Les noces de Sanaa
La piste est longue de La Mecque à Sanaa, l’antique capitale du Yémen : au moins quinze jours à dos de dromadaire.
Mais Mahomet voulait absolument assister au quatrième mariage de son cousin Mustapha. Quatrième et dernier puisque Dieu, dans son infinie sagesse, a ainsi limité le nombre de mariages légaux.
Il n’avait pas vu son cousin depuis près de quarante ans et il eut du mal à reconnaître en ce presque vieillard, qui avait maintenant plus de soixante ans et les cheveux tout blancs, le fringant jeune homme qu’il avait fréquenté jadis.
Le deux hommes s’étreignirent avec émotion.
La fête battait son plein malgré la chaleur accablante.
Les femmes s’étaient réfugiées sous les tentes et, comme c’est la coutume dans certains pays, papotaient à propos de choses insignifiantes. Les hommes étaient restés dehors : les uns dansaient, les autres parlaient de choses graves.
Tous écoutaient avec ravissement l’orchestre qui n‘avait pas cessé de jouer depuis des heures. Car le charme de la musique arabe, c’est sa grande richesse mélodique qui fait qu’on ne s’en lasse jamais.
A force de parler, de danser et de s’agiter sous un soleil de plomb fondu, les invités se déshydrataient et devaient boire très souvent.
A un moment le domestique chargé des boissons vint trouver Mustapha, l’air catastrophé :
— Maître, il n’y a plus d’eau !
En effet tous les récipients étaient vides et le puits le plus proche était à cinq heures de dromadaire.
— Et ça ? demanda Mahomet en désignant un amoncellement de guerbas (la guerba est une outre en peau de bouc qui conserve l’eau très fraîche et de plus lui confère un petit parfum fort agréable, N.D.A)
— Ce sont des guerbas que nous avons prises aux Roumis lors de la dernière razzia. Elles contiennent du vin, précisa le domestique.
Cependant, les invités, de plus en plus assoiffés, commençaient à regarder les outres avec un regard impie.
Mahomet s’interposa et les harangua par ces mots : « Oh, hommes de peu de foi ! Si vous buvez une seule goutte de ce breuvage maudit vous serez damnés pour l’éternité et vous serez jetés dans les flammes de l’enfer !»
Ce disant il étendit le bras au-dessus des outres en prononçant des paroles que personne ne comprit. Puis il ordonna qu’on les ouvrît.
Il s’en écoula alors une eau plus claire, plus limpide et plus fraîche que celle qui coule dans les torrents de montagne.
A ce moment, tous se prosternèrent car celui qui peut changer le vin en eau ne peut être que l’envoyé de Dieu.